Opter pour la périphérie pour ne pas rester en marge - idées fausses concernant le edge computing

Avant toute chose, une définition s'impose. Le edge computing ou « informatique en périphérie de réseau » désigne la récupération, le traitement informatique et l'analyse des données en temps réel, directement à l'emplacement physique de l'utilisateur ou de la source des données, soit en périphérie (ou « edge » en anglais) du réseau. Contrairement aux méthodes traditionnelles qui recueillent les données de diverses machines pour les réunir en un lieu de stockage centralisé, le edge computing effectue un traitement distribué des données directement sur la machine, le groupe de machines ou le lieu de stockage, ou à proximité. Cela permet d'améliorer la réactivité et d'économiser de la bande passante.

Dans un environnement industriel, effectuer les analyses au niveau d'un dispositif individuel peut permettre de réaliser d'importantes économies de coûts et de ressources par rapport au traitement des données par une méthode purement basée sur le cloud. Cette dernière, en termes simples, consiste à transmettre en continu des données depuis plusieurs appareils vers un lieu de stockage centralisé pour y réaliser les analyses.

La méthode « centralisée » permet de collecter et transférer d'énormes volumes de données vers un seul et unique lieu où elles seront analysées. Si le fait de centraliser toutes les données relatives aux machines présente des avantages, la gestion de ces données peut s'avérer extrêmement difficile, d'autant plus dans les installations comportant un grand nombre de machines et où les appareils utilisent différents protocoles de communication. Eh oui ! Toutes les données ne parlent pas le même langage.

Cette méthode peut également déboucher sur une surabondance de données opérationnelles, en sachant que séparer les connaissances utiles des données sans intérêt peut s'avérer particulièrement laborieux. Reconnaissons-le, la donnée d'efficacité énergétique d'un petit convoyeur en fin de ligne n'est peut-être pas aussi précieuse que la donnée permettant de repérer des inexactitudes dans le processus de découpe d'une grande pièce coûteuse.

Grâce au edge computing, les opérateurs peuvent au contraire définir des paramètres pour décider quelles données méritent d'être stockées (dans le cloud ou sur un serveur sur site).

Précisons également que le edge computing n'est pas une alternative aux méthodes basées sur le cloud, ni un processus de l'internet industriel des objets (IIoT) combinant technologie du cloud et edge computing. Non. Ces technologies ne sont pas en concurrence les unes avec les autres, chacune facilite plutôt le travail de l'autre. Les environnements informatiques associés à l'IIoT prennent diverses formes, du serveur distant d'un PC industriel à une passerelle ou une infrastructure de back-office : tous ces outils sont essentiels pour prendre en charge le edge computing, car ils sont distribués loin du cœur, ou du cloud. Ils ont la capacité d'effectuer toute une variété de tâches – en particulier des tâches qui ne nécessitent pas d'analyse à la périphérie.

Ce modèle combiné permet aux entreprises de bénéficier du meilleur des deux mondes : une moindre latence en prenant des décisions à partir des analyses réalisées en périphérie pour certains appareils, tout en réunissant les données en un point central. Ce modèle permet également d'effectuer une analyse ultérieure des données (entre autres processus) et de recueillir les données exigées par les différentes législations en vigueur.

Le edge computing en action

Comme pour toute innovation industrielle, certains fabricants considèrent que le edge computing est intimidant, trop compliqué ou hors de portée. Rien n'est moins vrai pourtant. Le premier avantage du edge computing est son évolutivité. En basculant l'analyse au niveau des capteurs et des périphériques du réseau, il est possible de réduire considérablement la pression exercée sur les systèmes de gestion des données d'entreprise et d'analyse. Un autre avantage est de pouvoir commencer modestement.

Contrairement au concept de d'usine intelligente (ou smart factory) tant plébiscité au début des années 2010, le déploiement du edge computing ne nécessite pas une révision complète des systèmes ni d'investir dans plusieurs machines de nouvelle génération. Il suffit au fabricant d'opter pour un appareil capable d'assurer l'analyse en périphérie.

Prenons l'exemple de l'offre de edge computing de CoroPlus® de Sandvik Coromant. Ses capteurs et outils intelligents peuvent être déployés dans une seule pièce d'équipement – une technique qui a déjà amplement fait ses preuves dans l'alésage de grandes pièces où l'erreur la plus minime peut se révéler incroyablement coûteuse.

Pour éviter les erreurs, la version intégrée aux machines de Silent Tools™ Plus de Sandvik Coromant, avec CoroPlus® Connected, tire profit des données générées dans la zone de coupe pour identifier de potentiels problèmes. Des actions de coupe automatiques peuvent ensuite être appliquées pour éviter des erreurs coûteuses.

Comme avec toute technologie industrielle, la sécurité du edge computing est un point sensible. Selon un rapport de l'entreprise Kollective, 66 % des équipes informatiques voient en l'architecture une menace réelle pour leur entreprise. Le principal motif de cette préoccupation ? La sécurité en périphérie.

Bien évidemment, la nature distribuée du edge computing nécessite d'adapter quelque peu les pratiques de sécurité, en particulier si l'installation s'appuyait auparavant sur une infrastructure centralisée traditionnelle ou basée sur le cloud. Avec le edge computing, les données circulent entre différents nœuds distribués, ce qui peut nécessiter des mécanismes de cryptage spéciaux, indépendants du cloud.

D'un autre côté, le traitement des données en périphérie limite le risque de transmission de données sensibles dans le cloud. Certains trouvent que cela est une bonne chose, du point de vue de la sécurité, mais tout dépend de vos protocoles en place.

Cela dit, les attaques malveillantes, sur le routage et par déni de service distribué (DDoS) sont toujours possibles, comme avec tout appareil connecté à l'internet. La première et principale étape consiste à rechercher la confiance et des garanties du fabricant de votre appareil périphérique.

Chez Sandvik Coromant, par exemple, nous avons conçu un nouveau principe de sécurité pour que nos clients puissent avoir l'esprit tranquille. Il prend en charge l'ANSI/ISA-95, une norme internationale de l'International Society of Automation pour le développement d'interfaces automatisées entre les entreprises et les systèmes de contrôle.

Une meilleure compréhension

Le edge computing est considéré par beaucoup comme une technologie révolutionnaire pour le secteur industriel et les applications informatiques au sens large. Toutefois, de nombreuses idées fausses doivent encore être dissipées avant que les systèmes périphériques ne soient déployés dans des environnements industriels.

Tout d'abord, le edge computing ne remplace pas l'IIoT et ne concurrence pas non plus les autres méthodes d'analyse basées sur le cloud. En réalité, ces technologies doivent fonctionner conjointement pour que les fabricants puissent profiter des véritables avantages du edge computing. De même, la technologie ne présente pas de risques de sécurité plus importants que les méthodes existantes de collecte de données sur l'internet – les protocoles de sécurité doivent simplement être mis à jour.

Il n'est plus à prouver que le edge computing peut s'avérer extrêmement utile aux fabricants. Il réduit la latence, pour accélérer la prise de décision et optimise la collecte de données dans le cloud, réduisant ainsi la quantité d'énergie nécessaire pour transmettre en continu les données de tous les appareils d'une installation à un concentrateur central.

En outre, la technologie du edge computing est bien plus simple à déployer qu'on ne le pense car les fabricants n'ont pas besoin de revoir tous leurs systèmes pour profiter de ses avantages. Correctement déployés, les nœuds périphériques peuvent offrir plusieurs avantages, notamment une réduction de la latence pour les applications en temps réel, une utilisation plus efficace de la bande passante et des ressources de stockage, une meilleure évolutivité, une réduction des coûts énergétiques, une amélioration des performances environnementales, ainsi qu'un meilleur contrôle de la confidentialité et de la protection des données.

Comme le montrent les données de Google Trends , l'intérêt pour le edge computing va grandissant, mais il est important que les fabricants appréhendent bien cette technologie et son potentiel avant d'investir pour ne pas rester en marge.

Nevzat Ertan

Architecte en chef et directeur international chez Sandvik Coromant

Nevzat a suivi une formation poussée en mathématiques appliquées et méthodes de calcul, et a plus de 35 ans d'expérience dans le domaine des technologies de l'information et de la communication (ICT), des sciences prédictives, ainsi que du développement et des stratégies technico-commerciales. Il est également responsable du service d'architecture de l'usinage numérique de Sandvik Coromant, un expert reconnu de l'entreprise/la transformation numérique et de l'IoT industriel (IIoT). D'autre part, Nevzat a siégé dans différents conseils d'administration dans plusieurs pays.